Fait machine, code sur le fil

Jeanne Vicerial, Prototype de jupe, 2014-2015.

L’exposition Fait machine des commissaires Margherita Balzerani et Noëlig Le Roux au MIAM de Sète rassemble un grand nombre de créations ayant une étroite relation au code ou à la fabrication. A l’instar du Prototype de jupe de l’artiste Jeanne Vicerial dont on connaît les très énigmatiques sculptures aux tissages denses de fil noir bien qu’ici le vêtement ne soit qu’une composante de l’installation incluant notamment la machine conçue par l’artiste et dont elle est issue. C’est par conséquent la pratique du tissage et son automatisation, mais à l’échelle d’une pièce unique, qui nous est présentée, au plus près du faire-artistique et en proximité tant avec la recherche que la mode.

Varvara & Mar, Circular Knitic, 2014.

Avec le duo Varvara & Mar, c’est une autre machine tout aussi autonome qui, littéralement, performe. Issue de procédés de fabrication open source, donc possiblement réplicable par toutes et tous, celle-ci tricote sous les regards des spectatrices et spectateurs. C’est donc une fois encore le processus créatif qui, tout au long de l’événement, prime sur la création que les artistes ont toutefois prévu d’accrocher dans l’espace de l’exposition. Par sa longueur attendue, celle-ci devrait permettre de tisser un parcours parmi les œuvres présentées.

Michel Paysant, Vase pour les yeux (Maison Ullens), 2020.

Les quelques pièces que présente Michel Paysant s’articulent autour de sa pratique artistique du eye tracking. L’artiste dessine par son regard augmenté ce que les machines ne font que reproduire. Nous savions que le dessin et plus largement la peinture étaient intimement liés au regard, et plus précisément à l’observation, ces performances nous le confirment. Quant au dessin de la fleur qui orne son Vase pour les yeux en porcelaine de Limoges, il est très strictement conséquent aux mouvements segment après segment de son œil que sa pensée a contrôlé.

Miguel Chevalier, Bella Donna Sive linus hypericum digitalis, 2021.

Les plantes de la série Bella Donna Sive linus hypericum digitalis de Miguel Chevalier appartiennent à la famille des Amaryllidacées. A un détail près puisque leurs graines ne sont autre que des fragments de code. Dans l’espace de l’image, elles émergent et croissent pour finalement se faner selon des cycles de vies artificielles anticipées par l’artiste qui nous en présente aussi les étapes de croissance en sculptures. Ainsi pétries par des procédés d’impression en trois dimensions, elles convoquent les organismes vivants que parfois des couches sédimentaires figent pour l’éternité.

Antoine Schmitt, Grand oblique (détail), 2016.

S’éloignant du tangible sans pour autant rompre totalement avec le réel régi par les lois de la physique, il y a les projections Grand oblique et Ondée sur cube oblique d’Antoine Schmitt. Dans ces deux installations, des myriades de particules de lumière pure n’ont d’existence que le temps de leur chute, aussi virtuelle qu’inexorable. Ces deux créations qui s’exécutent en temps réel témoignent de la prise en compte des pratiques génératives de l’art par les principaux acteurs de l’écosystème de l’art. Il n’est jamais trop tard. C’est aussi de cela dont il est question au Musée International des Arts Modestes de Sète.

Rédigé par Dominique Moulon pour ArtPress.