Jan Robert Leegte

L’installation vidéo immersive Performing a Landscape de l’artiste néerlandais Jan Robert Leegte est celle d’une « nature reconfigurée » qui n’est autre que la thématique principale de l’exposition temporaire du Centre des Arts d’Enghien-les-Bains.

Jan Robert Leegte, Performing a Landscape, 2020.
Courtesy Upstream Gallery, Amsterdam, Nederland.

La création Performing a Landscape de Jan Robert Leegte reconfigure l’espace qui l’accueille. Au point que pénétrer à l’intérieur revient à se sentir immédiatement transporté en l’ailleurs d’une nature luxuriante que les éléments activent. On pense alors au tableau La Tempête de Giorgione que bien des historiens de la Renaissance italienne ont considéré comme le premier véritable paysage. Mais celui de l’artiste néerlandais nous apparaît plus vrai encore que nature eu égard aux mouvements qui en agitent la moindre des particules. A la lecture du cartel, on apprend qu’il s’agit d’une simulation obtenue par l’usage de technologies ordinairement dédiées à la production de jeux vidéo hyperréalistes. Pourtant, ne faudrait-il pas parler ici d’une forme d’hyperréalité que le théoricien français Jean Baudrillard définissait en 1981 comme « la simulation de quelque chose qui n’a jamais réellement existé » ? Car le paysage qui, littéralement, performe tout autour de nous a été inventé de toute pièce. On imagine aisément l’artiste concevant dans ses moindres détails l’univers auquel il donne progressivement forme en assemblant les éléments de bibliothèques d’objets en trois dimensions et de comportements interactifs. Jan Robert Leegte a joué avec précision comme on manipule une manette, affinant au travers de curseurs essences d’arbres et autres typologies de nuages. Allant jusqu’au plaisir démiurgique d’activer un vent qui n’a plus rien de virtuel au regard de la façon dont il affecte troncs, branches, feuilles et brindilles.

Jan Robert Leegte, Performing a Landscape, 2020.
Courtesy Upstream Gallery, Amsterdam, Nederland.

Dans Performing a Landscape, il y a l’idée que l’on peut agir sur notre environnement en paramétrant des applications. Tout bien considéré, ce que font les urbanistes en artificialisant les sols qu’ils végétaliseront un jour, selon la tendance du moment. Par conséquent, ce qui est en jeu dans l’installation dont il est ici question, c’est la décision de créer un univers, comme enfant on décide de décorer sa chambre. A ce propos, l’image vidéo projetée du paysage de Jan Robert Leegte recouvre parfaitement les murs comme le ferait un papier peint. Sur les surfaces projetées sont accrochés des écrans comme s’accumulent les fenêtres au-dessus des images de fond des bureaux de nos ordinateurs.

Dans les croyances ou récits, la tempête est fréquemment associée à la colère divine. Aujourd’hui, on attribue les phénomènes météorologiques extrêmes aux dérèglements climatiques. L’inondation, figurée par l’un des écrans de Performing a Landscape, compte parmi les quelques scénarios catastrophes auxquels se préparent les métropoles côtières partout dans le monde. Les ruines à demi-immergées caressées par les vagues – sur un autre écran car l’installation est composée de neuf canaux vidéo – nous projettent, quant à elles, dans l’après d’une civilisation qui a cru pouvoir contrôler la nature sans se soucier des conséquences. Mais l’émergence de civilisations façonnant le monde n’est-elle pas essentiellement affaire de croyance ? Même si les jeux vidéo de simulation divine ou “God Games” ont remplacé les grands récits.

Rédigé par Dominique Moulon pour ArtPress.