De la mémoire et du lien

Natalia de Mello, Video club sandwich, 2020.

Dans son article As We May Think de 1945, Vannevar Bush imaginait un bureau qui serait équipé de composants mécaniques et électroniques permettant d’accéder tant à des livres qu’à des films préalablement mémorisés pour les mettre en relations. Cette vision, ô combien prémonitoire, a influencé bien des pionniers de l’histoire de l’informatique avant que cette dernière nous propose des biens de consommation courante incluant les ordinateurs portables. L’ingénieur américain avait nommé son invention le Memex. Et c’est à celle-ci que l’on pense à la découverte de Video club sandwich, actuellement en exposition au Centre Wallonie-Bruxelles, de Natalia de Mello. Car cette installation se présente sous la forme d’une table sur laquelle sont disposés des ordinateurs portables. Leur empilement évoque un livre ouvert alors que leurs écrans diffusent des séquences vidéo que l’artiste a réalisées antérieurement. Mais les similitudes entre l’invention imaginée par l’ingénieur et l’œuvre produite par l’artiste ne se limitent pas aux formes. Rappelons que le meuble-appareil de Vannevar Bush avait pour objectif d’aider à la création de liens, entre les données, que l’on allait par la suite qualifier d’hypermédia. Or, dans sa vision d’un cinéma étendu, Natalia de Mello laisse au hasard le soin d’établir des relations entre ses séquences expérimentales diffusées en boucle par les ordinateurs. Quant aux miroirs que l’artiste à associé aux portables, ils ne font qu’accroître le nombre des possibles relations entre les vidéos que, par la même, ils extraient des cadres des écrans. De son côté, le titre, Video club sandwich, convoque l’hyper consommation des produits informatiques que, nous aussi, nous empilons dans nos placards, guidés par la stratégie de l’obsolescence programmée que les entreprises du digital nous imposent.

Article rédigé par Dominique Moulon