Daniel Arsham au MNAAG

Le Musée national des arts asiatiques – Guimet accueille les sculptures de l’artiste new-yorkais Daniel Arsham dans ses collections. Cette carte blanche intitulée Moonraker, en référence à une installation située en étage, inclut notamment une copie résolument contemporaine du chef-d’œuvre antique de la Vénus d’Arles.

Daniel Arsham, Grey Selenite Eroded Venus of Arles, 2019,
courtesy of the artist & Perrotin.

Qui n’a jamais rêvé de passer une nuit au musée ? Surtout quand une crise sanitaire ferme les portes de nos institutions. On s’imagine, errant dans les salles bien organisées du Musée national des arts asiatiques, quand une “anomalie” attirerait notre attention. L’extrême blancheur propre à quelques œuvres contemporaines trahit leur “intrusion” au sein de cette collection muséale, comme c’est la tendance. Il s’agit de statues que l’Américain Daniel Arsham (1980) a obtenu par moulage de copies des ateliers d’art des musées nationaux. L’histoire de la sculpture entretient un lien très particulier avec la copie puisque bien des statues grecques ne nous sont révélées qu’au travers de répliques romaines que, parfois, des sculpteurs de la Renaissance ou du Classicisme ont “amélioré” via d’audacieuses restaurations. Ajoutons que l’histoire de la sculpture est aussi intimement liée à celle des techniques, outils et matériaux. Pour exemple, les outils de l’âge de fer autorisent un travail que la période précédente, l’âge de bronze, ne permettait pas. Les appareillages dédiés à la copie, eux aussi, ont évolué avec le temps : du fil à plomb au pantographe jusqu’aux scanners trois dimensions et autres systèmes de prototype ou d’usinage contrôlés numériquement.

Daniel Arsham, Grey Selenite Eroded Venus of Arles, détail, 2019,
courtesy of the artist & Perrotin.

Mais revenons aux statues de l’artiste new-yorkais que d’étranges érosions participent grandement à singulariser des autres pièces du musée Guimet. Toutes sont partiellement “attaquées” par ce qui nous apparaît être des cristaux – en réalité de sélénite ou de quartz. En extérieur, un tel dommage évoquerait la pollution atmosphérique. Mais là, seules dans l’obscurité de ces salles désertes, autre chose nous vient à l’esprit. L’idée d’une forme globale de contamination s’impose à nous. On pense alors à la démesure des cristaux de la mine de Naica, au Mexique. L’érosion en question serait-elle être planétaire ? S’en est ainsi, les œuvres d’art que l’on observe ne peuvent être dissociées des circonstances qui nous affectent. Même si elles ont leurs propres histoires.

Quoi qu’en dise son cartel qui la date de 2019, la Vénus d’Arles de Daniel Arsham provient d’un passé lointain puisqu’elle a été initialement découverte à proximité du théâtre antique d’Arles en 1651. Il s’agit, selon toute vraisemblance, de la copie romaine d’une statue antique grecque restaurée par le sculpteur français François Girardon. Les notions que sont, tant la copie que la restauration, évoluent au fil du temps et selon les zones géographiques depuis lesquelles on s’exprime. Alors que la Vénus d’Arsham évoque la pluralité des futurs possibles. Si des archéologues la découvraient dans mille ans, ils seraient certainement capables de la dater avec précision de 2019, c’est-à-dire de l’année d’un virus qui a infecté les tous les humains d’une manière d’une autre. Comme les cristaux s’attaquent aux chairs du flanc droit de cette Vénus temporairement exposée au Musée Guimet.

Rédigé par Dominique Moulon pour ArtPress.