L’exposition Si le temps est un lieu du Centquatre rassemble installations et autres documentationsde Pablo Valbuena. Depuis le milieu des années deux mille, cet artiste ne cesse d’activer ou de reconfigurer, par la lumière seule, les plans ou volumes de sites préexistant ses créations.
C’est avec l’installation lumineuse Augmented Sculpturede 2007 que nombre de critiques ou curateurs aux parcours indéfinis ont découvert Pabo Valbuena. Perpétuel insatisfait comme le sont les véritables perfectionnistes, cet artiste ne cesse depuis sa création de l’améliorer si tant est que ce soit encore possible car elle est tout particulièrement bien servie par l’atelier du Centquatre où, littéralement, elle ralentit le temps des spectatrices ou spectateurs. Par elle-même, elle impose le silence que pourtant nul n’impose. Dans l’attente de la lumière qui la complète si parfaitement, elle évoque, tant par ses formes construites que son extrême blancheur, les Architectonesdu début des années 1920 de Kasimir Malevitch. Quand la lumière d’une blancheur irradiante vient en souligner les arêtes comme si le modèle tridimensionnel qui possiblement en est aussi l’esquisse venait à lui offrir sa finitude et pour que les pleins se définissent alors en creux. La ligne, dans ce cas, constitue l’étape ultime de ce qui mène l’œuvre au sublime.
Nombreux sont des dispositifs de cet artiste espagnol vivant actuellement à Toulouse à avoir été conçus pour des lieux en particulier. Aussi José-Manuel Gonçalvès, directeur du Centquatre, a décidé de consacrer trois salles à la documentation vidéo autorisant enfin une vision globale sur ce travail oscillant entre l’intime et le monumental. Pour l’intime, on notera ses actions in situà Louvain en Belgique, quand il investit notamment les sols de dallages pour nous en donner d’infinies variations en convoquant les nombres dont on sait le rôle essentiel tant chez les architectes d’hier que les artistes d’aujourd’hui, avec ou sans computation. Une autre installation, Formas de tiempo [ 4400 ] de 2014, en prolonge encore les variations au sein de l’atelier qui lui est dédié. Mais la lumière, chose rare dans un tel travail, a disparu si l’on excepte celle, davantage scénique, qui lui confère une relative théâtralité. Car c’est parmi nous que les actrices et acteurs sont attendus pour en reconfigurer l’allure pendant toute la durée de l’exposition. Jamais, de sa première à sa dernière heure – et c’est là le caractère de ce qui est vivant – elle ne sera similaire. En constante mutation, d’un appareillage à l’autre, elle ne sera pour ainsi dire qu’inachevée à tous les instants. A moins que l’on considère que ce soit ici le processus qui prime sur le résultat. Ce qui nous permettrait alors de convoquer la pensée d’Harald Szeemann lorsque le curateur initiait son exposition iconique intitulée When Attitudes Become Form à la Kunsthalle de Bern. C’était il y précisément cinquante ans.
Mais revenons au Centquatre où l’on peut aussi observer deux installations lumineuses d’un genre nouveau dans l’œuvre de Pablo Valbuena. C’est-à-dire que la lumière – tout aussi blanche car c’est une constante – est seule tandis que le support ou “l’écran” n’est autre que le vide de l’atelier où elles dialoguent entre elles lorsqu’elles n’agissent par sur le public que, littéralement, elles apaisent tant elles incitent à la contemplation. Car c’est le rythme qui les anime en extirpant des volumes de plans comme le font les architectes. Comme dans un cabinet de curiosité, nous hésitons quand notre perception lutte inutilement contre notre pensée jusqu’à ce que nous acceptions que de telles représentations n’existent qu’en des lieux qui ne sont ni pans ni volumes. D’où le titre de l’exposition : Si le temps est un lieu.
Rédigé par Dominique Moulon pour ArtPress