L’exposition Topographies de la lumière de la commissaire Domitille d’Orgeval regroupe les œuvres de treize artistes dont Pascal Haudressy, disparu en 2021, auquel elle rend hommage. Sa création vidéo intitulée Heart représente un cœur qu’une infinité de lignes de lumières rouges anime dans l’absence du fond noir d’un écran. Il nous apparaît que tous les filaments définissant l’organe sont autonomes bien qu’une force de l’invisible parvienne tant bien que mal à les contenir pour fait un tout. Une telle organisation algorithme du chaos illustre parfaitement la complexité du vivant.
En cette exposition de la Topographie de l’Art du quartier du Marais à Paris, la lumière est la composante essentielle à toutes les installations. Comme Laborinth de Vera Röhm qui répète la phrase à la justesse absolue du linguiste allemand Johann Leonhard Frisch « La nuit est l’ombre de la terre » en 251 langues et autant de typographies. Considérant les traités de perspective, la nuit ne serait autre que l’ombre propre de la sphère Terre, alors qu’elle est bien davantage dans toutes les cultures du monde. Et qu’il est vraisemblablement autant de langues pour écrire la nuit qu’il est d’interprétations pour ces interruptions temporaires de lumière qui rythment la vie.
Artistes et scientifiques ont en commun de refuser les limites que tracent les horizons pour tenter d’observer plus loin encore. C’est ainsi que Félicie d’Estienne d’Orves a conçu ses Étalons lumières dont celui dédié à la planète Mars. Sur un mètre de métal, la lumière se déplace selon le temps qu’elle met en minutes pour nous parvenir de la planète rouge que les dirigeants de grandes firmes du digital nous disent viable. La distance que l’artiste nous permet d’appréhender avec son appareil œuvre de mesure nous confirme qu’il n’est point pour l’heure de planète B pour l’humanité.
S’il est des concepts qui s’affranchissent des distances comme des échelles, celui du “plus court chemin” que Jeanne Berbinau Aubry interroge, au travers de la lumière ou plus exactement de l’énergie, en est un. Celle-ci assemble des éléments de verrerie de laboratoire pour obtenir des sculptures animées par d’infimes variations de lumières colorées. Son approche s’inscrit dans la continuité des œuvres de néon qu’elle se refuse de contraindre pour écrire ou dessiner. A l’inverse, c’est l’instabilité qu’elle met en lumière dans son usage de gaz que les scientifiques qualifient de “nobles”.
Enfin, parmi les Topographies de la lumière exposées, l’installation Broken Space de Gladys Nistor est d’un minimalisme extrême puisqu’il ne s’agit en réalité que d’un aplat de lumière blanche projeté qui complète parfaitement deux étendues de peinture noire au mur. Pour autant, l’effet ainsi obtenu est d’une intense subtilité qui induit que l’on prenne le temps d’en saisir la finitude. C’est l’exemple même du presque rien que les artistes parfois élèvent au rang de chef-d’œuvre. Alors que la lumière, ici encore, agit sur le public comme une incitation à la contemplation.
Rédigé par Dominique Moulon pour ArtPress.