Les rencontres qui se tiennent en Arles durant l’été depuis plus de cinquante ans se concentrent essentiellement sur la photographie. Bien qu’il y ait parfois des images en mouvement, sans omettre la Fondation Luma qui les consacre dans sa programmation depuis son inauguration l’année dernière.
Avec sa création Inhale, Exhale présentée à l’église des Trinitaires, Noémie Goudal inscrit sa pratique de la photographie dans le paysage au travers d’une performance filmée. Le public, dans l’instant de sa découverte, ne sait pas exactement ce qu’il observe. Les deux temps composant la respiration qui sont évoqués dans le titre de l’installation correspondent aux étapes de construction et de déconstruction d’un paysage. Les quelques éléments de décor qui augmentent le lieu sont en fait les seuls véritables acteurs qui lentement apparaissent pour enfin disparaître dans un même ordre. A l’apogée de son augmentation, le paysage n’est pas moins réel considérant l’aspect matériel des composants ajoutés. Au point que, parfaitement déconstruite, l’illustration photographique d’un palmier – une essence d’arbre implantée par l’image pour l’occasion – déjà nous manque. Le travail accompli par l’artiste se fait couche par couche, dans l’image comme dans le son et tout particulièrement quand crissements et vrombissements accompagnent le temps d’une réalité se diminuant.
Il est aussi question de paysage au sein de l’exposition Chants du ciel organisée par la commissaire Kathrin Schönegg au premier étage du Monoprix d’Arles. Avec, notamment, l’installation vidéo Landscapes d’Evan Roth. Où une vingtaine d’écrans organisés en grappe magnifient des fragments de nature en les teintant de rose. Le temps, diversement ralenti selon les lieux filmés, ajoute à l’unité de style d’un tel cluster d’images en mouvements. Mais le véritable point commun à toutes ces séquences est tout autre, puisqu’elles ont été tournées là où trafiquent nos données en sous-sol. La vitesse anéantissant les distances quelles qu’elles soient que représentent les câbles Internet est en totale contradiction avec l’apparente quiétude des paysages du dessus. Comme si deux mondes se côtoyaient sans toutefois jamais parvenir à n’en faire véritablement qu’un. Et ce malgré cette tentative désespérée d’inscrire l’infrastructure de l’internet dans le paysage en la rebaptisant cloud tant les nuages sont omniprésents dans les paysages en peinture.
Enfin, il y a cette étendue à perte de vue de ce qui pourrait être de la lave craquelée, à peine refroidie, qu’agitent encore quelques forces telluriques des tréfond de la Terre. Si toutefois il s’agissait de notre planète d’un avant ou d’un après le vivant. L’espace de l’image d’Aghdra d’Arthur Jafa que projette la Fondation Luma au sein de la Grande Halle du Parc des Ateliers est celui du jeu vidéo. Le public n’ayant pour se raccrocher au réel que l’idée d’un soleil couchant qui se profile au-delà de l’horizon dont l’infime courbure atteste qu’il s’agit bien d’une planète. Ce travail est singulier dans la carrière de l’artiste car intègrement généré algorithmiquement. Ce qui l’est moins c’est la bande son de ce film de 85’ car elle se présente sous la forme d’un remix étendu aux sons graves amplifié de morceaux de musique afro-américaines ayant traversés le temps. Le rythme que parfois nous croyons reconnaitre constituant la seule trace d’humanité dans ce paysage audiovisuel sans véritable début ni fin évoquant un océan de sècheresse. Pourtant, on le contemple comme la narration sans suspens du possible d’un ailleurs, à mesure que nos chairs sont bercées par les infrabasses de quelques mélodies intemporelles.
Article rédigé par Dominique Moulon