Les installations de la série des Mécaniques Discursives actuellement présentées au tiers-lieu LaVallée de Bruxelles se décryptent dans la durée des balayages de nos regards en va-et-vient. Tant parce qu’elles sont de grande taille que du fait des détails en grand nombre qui y sont dissimulés. Les comparant à des peintures d’histoire, on en analyserait les compositions pour y déceler quelques lignes de force ou plutôt de dialogue. Car les éléments de différentes natures qui les composent sont reliés les uns aux autres comme le sont les composants électroniques de circuits imprimés ou les objets virtuels de programmations graphiques. Il s’agit bien là d’une forme d’esthétique de la complexité où deux temporalités cohabitent, celle de l’instant que des actions éclairent. Les images arrêtées qui ornent les parois semblent avoir été extraites d’encyclopédies où la connaissance n’émergerait que de mythes. Initialement gravées sur bois, une technique qui ne supporte aucun repentir, elles ont une texture d’une rugosité absolue qui rompt avec les douces lumières les augmentant notamment de visualisation de data dont on ignore les sources. Sans omettre les ombres d’objets de récupération dont on devine qu’ils étaient là avant que les murs ne se déclarent œuvres. C’est donc à la croisée de pratiques que tout opposerait que les Mécaniques Discursives doivent leur extrême unité de style. Quand deux moyens de reproduction s’entremêlent, allant de la technique de l’estampe à celle de la projection, et que l’aura tient de la théâtralité qui en résulte.
A la différence des romans graphiques auxquels on pense naturellement tant les Mécaniques Discursives sont peuplées de figures – humaines, animales ou hybrides –, il n’y a ici aucun sens de lecture. Car la temporalité qui s’impose à nous est davantage celle du jeu vidéo. En atteste l’omniprésence des cubes aux perspectives axonométriques qui permettent ordinairement aux joueuses et joueurs des jeux de plateforme de bondir avec agilité de situation en situation. C’est ça, les Mécaniques Discursives sont jouables du regard, mais sans début ni fin. La récompense ne serait autre que la connaissance que figurent les illustrations renvoyant à l’histoire de la figuration de tous les savoirs. Chacune et chacun s’y projettent ainsi selon ses expériences propres pour se raconter des histoires plutôt que d’en lire, les énigmes résolues menant à des questionnements qui dépassent les limites de l’œuvre. Quand l’apparente complexité inhérente aux nombres des saynètes de lumières et d’ombres qui se jouxtent et s’enchevêtrent est à la mesure de celle de ce monde qui est nôtre. Que les futurs qui s’offrent à nous se construisent en associant des briques d’imaginaires de domaines aussi différents que ceux des sciences et de l’art. Et que la raison l’emporte quand les innovations technologiques correspondent à autant d’avancées sociétales.
Article rédigé par Dominique Moulon