La photographie est née d’une invention, avant que de multiples innovations n’en écrivent l’histoire. Aujourd’hui, le photographique est un registre aux appareils se multipliant, au point parfois d’être remplacé par des appareillages aux innombrables interfaces. C’est ainsi que nous pouvons, toutes et tous, créer des images de “type” photographique si tant est que l’on soit à même d’en faire les descriptions textuelles. Les mots qui, en art, sont venus renforcer les images, se font alors interfaces entre humains et algorithmes pour en obtenir de nouvelles. Les années 2022-2023 resteront comme celles où les intelligences artificielles ont agité notre société tout entière. Rien de véritablement nouveau pourtant quant à la vérité en photographie. Quand la démocratisation des IA génératives renvoie à une innovation majeure de l’histoire de la photographie : la pellicule. Le slogan de Kodak de 1888, « Appuyez sur le bouton, nous faisons le reste », s’est mué en « Cliquez sur le bouton “Générer”, nous calculons le reste ». Une fois encore, force est de reconnaître que nous n’en sommes pas pour autant devenus toutes et tous des photographes.
Mais alors qu’est-ce qui fait œuvre dans les séries “Generated / AI” de Lionel Bayol-Thémines ? Tout d’abord, il y a le genre que ce dernier a tenté d’épuiser, celui de la photographie scientifique que pratiquent les non-artistes que sont les chercheuses et chercheurs pour valider leurs théories avec des images qui finissent par intégrer les collections de musées des sciences ou d’art. Lionel Bayol-Thémines a réitéré la même expérience des milliers de fois à quelques détails linguistiques près, une répétition qui convoque les savoir-faire artistiques. Mais surtout, il a édité la myriade d’images de son corpus art et science pour n’en préserver que les plus impactantes, comme le font les photographes, ce qu’il a été, et il est important de le rappeler. Le résultat est saisissant : des séries s’inscrivant dans un imaginaire scientifique où la beauté magnifie des phénomènes que l’on ne saurait interpréter. Quand l’imagination artificielle fait place à celle des spectatrices et spectateurs pour qui ces images d’un nouveau genre semblent pourtant si familières. Des images dont le propos textuel a été ciselé par la répétition pour que le regard affiné de l’artiste nous en présente la quintessence.
Article rédigé par Dominique Moulon