Les actrices et acteurs du monde de l’art ont pour habitude de se retrouver en juin à Bâle à l’occasion de sa foire. L’opportunité pour les institutions et fondations entre autres événements collatéraux de soigner tout particulièrement leur programmation.

A Art Basel, les œuvres de grande taille sont rassemblées au sein de l’exposition Unlimited du Hall 1 où il arrive parfois que des galeries s’associent pour présenter un même artiste, comme c’est le cas avec les Pace et Thaddaeus Ropac avec l’installation de Robert Longo We are The Monsters. Celle-ci s’articule autour d’un film rassemblant des dizaines de milliers d’images d’information datant de ces douze derniers mois. Force est de constater que le climat politique international pèse sur l’événement où les prises de position, et plus encore les silences, font débats.

C’est davantage de climat atmosphérique dont il est question au sein du Hall 2 sur le stand de la galerie Labor où l’œuvre en temps réel Cloud Gazing de Yuri Pattison simule des nuages en totale cohérence avec ceux présents au même instant dans le ciel de Bâle. C’est en observant l’atmosphère que depuis toujours nous tentons de prédire l’avenir avec une précision qui s’améliore au rythme de l’accroissement des puissances de calcul, en cette ère de l’émergence d’une informatique quantique !

Parmi les artistes contemporains à l’honneur actuellement à la fondation Beyeler, Wade Guyton s’exprime ainsi sur le mur de la salle qui lui est dédiée : « Ce qui m’intéressait, c’était la manière dont on peut faire une peinture sans être peintre ». Car ce sont bien les créations d’une époque de productibilité mécanique extrême qui y sont accrochées. Ses références étant picturales plus que photographiques, c’est par couches que Wade Guyton aborde ses pièces, mais à l’écran, avant d’en confier la production à des traceurs grand format.

De son côté, le Musée Tinguely présente une exposition personnelle temporaire de Julian Charrière. Intitulée Midnight Zone, elle place le spectateur en immersion au sein de l’univers que l’artiste déploie des salles obscures en salles lumineuses, comme celle où sont présentés trois tirages de la série The Blue Fossil Entropic Stories où l’artiste s’en prend à un iceberg au chalumeau. On comprend que le réchauffement climatique est de notre responsabilités à tous au quotidien. Car s’il ne vient à personne l’idée de faire fondre sciemment la banquise, c’est pourtant ce que nous faisons depuis là où chacun d’entre nous se trouve en consommant de manière irraisonnée.

Dès l’entrée de la fondation Laurenz Schaulager, le public est une nouvelle fois plongé en immersion, par l’artiste Steve McQueen qui explique : « Ce que j’aime dans la lumière et le son, c’est qu’ils sont tous deux créés par le mouvement et la fluidité ». La quasi-totalité du monument baigne dans une lumière dont la couleur change imperceptiblement. A la mesure de notre monde qui, toujours, est en mouvement bien qu’il faille parfois prendre un peu de recul pour s’en apercevoir. Quant au son, c’est celui d’une guitare basse qui, lentement, égrène des notes amplifiées, ce qui a pour effet de ralentir nos déplacements dans l’espace de la fondation ainsi métamorphosé temporairement pour cette exposition tout simplement intitulée Bass.

Enfin, à la Haus der Elektronischen Künste, l’exposition D’autres intelligences présente l’installation immersive Between the Waters que les artistes du duo Crosslucid ont conçue et réalisée avec des intelligences artificielles génératives. Il y a de réelles correspondances entre ce qui est sculpté – à l’extérieur des images – et ce qui est généré – présenté en projection. De cet univers résolument organique convoquant le surréalisme se dégage une inquiétante étrangeté qui a été pensée par le duo en dialogue avec leurs machines. Car les artistes, depuis toujours, ont une appétence pour les outils, techniques ou technologies de leur temps.
Article rédigé par Dominique Moulon pour TK-21.