Au cœur de la Biennale Némo de la région Île-de-France, l’exposition “Les illusions retrouvées” du Centquatre-Paris présente une trentaine de créations témoignant de “Nouvelles utopies à l’ère numérique”, le thème de cette sixième édition.

C’est Gilles Alvarez, le directeur artistique de la Biennale Némo, qui a conçu l’exposition Les illusions retrouvées en collaboration avec José-Manuel Gonçalvès qui vient de céder la direction du Centquatre à Valérie Senghor. Le week-end d’ouverture est un temps particulier car augmenté d’installations et de performances, comme celle de bit.studio intitulée Flock Of. Le studio thaïlandais basé à Bangkok invite à une expérience à vivre entouré de poissons aux surfaces miroitantes en suspension. On pense au Silver Clouds de 1966 signé Andy Warhol, mais les ballons de la salle 200 sont équipés de mécanismes miniaturisés qui les font se mouvoir. Et ce sont leurs formes qui nous incitent à y voir un banc de poissons aux déplacements imprévisibles.

L’autre installation tout aussi immersive et renvoyant également aux cultures populaires est située dans l’Atelier 2. Le Mégamix du Louvre-Lens d’Inook, comme son titre l’indique, est une collaboration du bureau de création lyonnais fondé par Moetu Batlle et David Passegand avec le musée du Louvre dont on sait l’étendu des collections de chefs-d’œuvre. Bien que ceux-ci soient détournés pour interpréter des tubes intergénérationnels, chacun et chacune s’y retrouvera, car quoi de plus naturel, pour une exposition faisant la part belle à l’intelligence artificielle, que de considérer les pratiques créatives du deepfake.

Dans la zone thématisée “Renaissance”, les temporalités se collisionnent, comme c’est le cas avec l’installation Désert de Retz II d’Anne Bourrassé et Mounir Ayache. Le titre évoque le jardin du Désert de Retz initié au XVIIIe siècle près de Chambourcy et ses architectures utopiques aux multiples inspirations civilisationnelles. La scénographie à la blancheur extrême magnifiant les maquettes qui en témoignent propulse celles-ci dans l’imaginaire d’un futur que Stanley Kubrick a conçu avec 2001, l’Odyssée de l’espace en 1968.

Avec la sculpture totémique MeetingPhilip d’Eric Vernhes, ce sont les univers parallèles qui s’entremêlent puisqu’à l’origine de l’œuvre il y a le discours que Philip K. Dick commença à Metz en 1977 en disant : « Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez voir quelques-uns des autres ». Au centre de cette installation audiovisuelle, incarnant l’auteur de science-fiction, il y a un magnétophone à bandes d’où semblent provenir les lumières et les sons qui lui confèrent une allure rétrofuturiste.

De l’autre côté de la halle Aubervilliers, une autre étrange machine de la zone “Mondes nouveaux” intrigue le public. A l’entrée de ce qui ressemble à un instrument à vent démesuré, le public est invité à prononcer des mots ou générer des sons que le dispositif On Air de Peter van Haaften, Michael Montanaro, Garnet Willis traite. Il les transforme avant de les entremêler pour, enfin, les convertir en lumière et les faire voyager dans la pièce. Nous sommes par conséquent les autrices et auteurs de la symphonie d’un chao organisé qui se joue sous nos yeux à la vitesse de la lumière.

Enfin, la projection Nature Portals de Markos Kay présente une nature autre peuplée de chimères plausibles. Car l’artiste a entrainé un modèle d’intelligence artificielle générative avec une grande quantité de vivants pour qu’un algorithme en invente davantage sans se soucier de leur viabilité. Une nature utopique qui, bien qu’illusoire, incarne visuellement la Biennale Némo dont les événements artistiques s‘étendent à toute l’Ile-de-France jusqu’au 11 janvier 2026.
Rédigé par Dominique Moulon pour ArtPress.