L’installation No tears in the loss landscape de Thomas Depas présentée actuellement au 46 Digital du Centre Wallonie-Bruxelles est composée d’images associées à un dispositif. Le tout ayant pour objet de questionner la notion d’identité au travers du portrait quand les modèles, de plus en plus fréquemment, prédominent sur le réel. Et c’est précisément le cas des visages qui ont été gravés au laser sur des plaques de marbre noir puisqu’ils ne sont identiques à personne en particulier. L’artiste les a véritablement “calculés” en fusionnant de très nombreux visages. Mais si l’on prête aujourd’hui aux machines une qualité pourtant bien humaine, celle d’apprendre “profondément” en référence au Deep Learning, nous devons toutefois les alimenter avec de grandes quantités de données. Ici, en l’occurrence, des portraits photographiques. C’est la condition pour que la machine soit à même d’en “inventer” d’autres. C’est devenu chose courante. Nous pouvons aujourd’hui, en ligne et en quelques clics, nous créer des compagnons imaginaires comme le font les enfants que la réalité ennuie. Le grain en niveaux de gris de ces visages inventés leur confère l’aspect des images du siècle dernier, c’est-à-dire à l’époque de leur extrême reproductibilité technique. Il ne viendrait alors à l’idée à personne d’en discuter la “véracité”. Quant au dispositif interactif, il incite les spectatrices et spectateurs à tenir la pose comme on le fait en prenant des selfies. Mais c’est la machine qui “décide” des traitements à appliquer en recalculant l’image captée en temps réel. Au point que l’on ne se reconnaît plus en ces représentations de soi “contaminées” par les visages d’autrui. On pourrait alors attribuer l’aspect pictural de ces hybridations de portraits à la machine qui, en proie au doute face à tant de choix, opterait pour une forme d’approximation inhérente aux artistes fuyant le réel.
Article rédigé par Dominique Moulon