Qui dit Arles dit Rencontres de la photographie fondées en 1970, et une offre culturelle qui s’est singulièrement renforcée ces dernières années avec le campus créatif Luma, la Fondation Lee Ufan et plus récemment Thalie, entre autres propositions artistiques.

De nouveaux lieux régulièrement intègrent les Rencontres d’Arles comme, depuis trois ans, les Cryptoportiques. Cette année, c’est Batia Suter qui en a investi les galeries souterraines avec l’exposition Octahydra associant des tirages photographiques à une installation vidéo toute de transparences. Tout se passe entre les images que l’artiste suisse basée à Amsterdam a collectées en grand nombre pour les assembler dans l’espace comme au sein de séquences en d’infinies transitions. Et c’est en faisant émerger l’évidence de proximités esthétiques entre monuments du monde et objets manufacturés qu’elle capte immédiatement l’attention du public dans une atmosphère empreinte d’antiquité romaine.

L’artiste et autrice Carine Krecké qui s’est installée dans cet autre lieu patrimonial des Rencontres qu’est la Chapelle de la Charité est aussi lauréate du Luxembourg Photography Award. Son exposition intitulée Perdre le Nord nous renvoie à la guerre civile syrienne en cette époque où un conflit, médiatiquement, en chasse un autre. Nous déambulons parmi des documentations associant photographies satellites et témoignages textuels collectés par cette artiste d’investigation sur la destruction d’Irbin. Quand toutes et tous, nous avons aujourd’hui la possibilité de pratiquer le renseignement de sources ouvertes au risque de nous perdre parmi des myriades de données, entre fragments d’information et de désinformation.

A Luma, l’exposition Sensing the Future est dédiée aux recherches de la fin des années soixante du groupe Experiments in Art and Technology engageant artistes et ingénieurs. On y découvre l’installation interactive Photoelectric Viewer-Controlled Coordinate System (1968) de l’Allemand Hans Haacke qui scanne la présence des membres du public, à grand renfort d’électronique mêlant projecteurs infrarouges et capteurs photoélectriques, pour en éclairer les positions avec un pourtour d’ampoules. Un dispositif tout aussi novateur pour l’époque que prémonitoire pour la nôtre, considérant que nous sommes désormais géolocalisables où que l’on soit via nos objets connectés.

Toujours à Luma, il y a une autre installation à l’approche tout aussi contextuelle qui, quant à elle, regroupe une série de peintures monochromes qu’une scénographie en drapé de rideaux tombant tout autour du parcours théâtralise. L’ensemble intitulé [Seven Stars] de la Coréenne Koo Jeong A est régulièrement plongé dans l’obscurité. Ce qui a pour effet de révéler les représentations phosphorescentes d’étoiles évoquant les planètes du système solaire qui nous entourent. Un dialogue, donc, entre les deux tendances essentielles de l’histoire de l’art, c’est-à-dire entre figuration et abstraction.

C’est d’un autre dialogue dont il est question au sein de la Fondation Lee Ufan où les œuvres du Coréen sont confrontées à celles de l’Italien Michelangelo Pistoletto dont son célèbre Metrocubo d’Infinito (1966-2025). Il s’agit d’une sculpture aussi minimale que conceptuelle regroupant six miroirs refermés sur eux-mêmes qui seront brisés à la fin de l’exposition. Car le seul moyen d’entrer physiquement dans cette création d’un parfait infini que l’on ne peut qu’imaginer revient en effet à la briser. Ce qui renvoie à ces expériences scientifiques de laboratoire qui interdisent toute forme d’observation susceptible de les anéantir.

Enfin, c’est dans une maison du XVIIe siècle, à seulement quelques pas des arènes d’Arles, que la Fondation Thalie propose un accrochage de sa collection intitulé Géologie des âmes qui témoigne de notre impact sur la nature. L’artiste émergente Anaïs Tondeur qui vit et travaille à Paris y présente des tirages de sa série Tchernobyl Herbarium, initiée en 2011. Des rayogrammes obtenus par le rayonnement radioactif de plantes provenant de la zone de Tchernobyl au contact de surfaces sensibles. Car « la vie », même en des situations extrêmes « trouve toujours son chemin », selon Steven Spielberg dans Jurassic Park.
Article rédigé par Dominique Moulon pour TK-21.